lundi 11 avril 2011

Les printemps arabes … et le printemps de Palestine ?

Un faisceau de questions se pose quant aux rapprochements qu’il est possible d’opérer entre les révoltes arabes et les actions entreprises en territoires palestiniens.
En effet, alors que les situations sembleraient comporter certains parallèles, les développements de terrain, eux, ne montrent que peu de similitudes. 
- Quelles en sont les raisons ?
- Pourquoi alors le monde arabe en pleine effervescence s’octroie moult avancées en matière de démocratie et d’acquisition de libertés individuelles, la situation au cœur des territoires palestiniens semble, elle, plutôt statique ?

Tant de questions, qui nécessitent en premier lieu de comparer les "degrés de démocratie" en interne puis dans un second temps de mesurer quelles sont (ou peuvent être) les réelles revendications ainsi que leurs chances d’aboutissement.

Premièrement constatons que si les Palestiniens ont bien tenté quelques timides manifestations de soutien aux révolutions arabes, de réels mouvements de revendications quant à la situation interne n’ont pas été observés.
Et pour cause, la situation des territoires palestiniens n’offre en réalité que peu de similitudes avec les élans qui ont animé les pays voisins.
Les raisons en sont multiples :
En premier lieu, contrairement aux pays voisins la démocratie semblait y primer jusqu’au basculement des élections législatives de janvier 2006 remportées par le Hamas.
C’est alors que tout c’est compliqué ; une spirale délétère (tensions inter-palestiniennes relatives au partage des pouvoirs, pressions de la communauté internationale, violences et arrestations sporadiques) ont fini par aboutir au schisme entre le Fatah (parti fondé par Yasser Arafat) au pouvoir en Cisjordanie et le Hamas dans la Bande de Gaza.
Depuis si la démocratie reste l’esprit affiché, les réalités semblent peu enclines à ce précepte :
-          Le mandat du président Mahmoud Abbas a expiré en janvier 2009 et faute d’accord entre les mouvements palestiniens il s’est prolongé de facto. L’occident, toujours en proie aux craintes de voir les islamistes prendre les rennes du pays, n’a formulé aucune critique.
-          La Hamas durcit régulièrement son emprise sur l’étroite bande côtière de Gaza et souffle le chaud et le froid. Ainsi, de nombreux signaux contradictoires émanent de ses dirigeants : tantôt rejetant les élections présidentielles annoncées pour au plus tard septembre 2011, puis en procédant à des arrestations de militants appelant à l’unité palestinienne, pour ensuite donner à l’inverse des signes d’ouvertures et de réconciliation.
-          De plus, les nombreuses arrestations de députés issus du Hamas et l’impossible mobilité entre Gaza et la Cisjordanie en raison du bouclage israélien empêche toute réunion constructive du parlement. Dès lors on voit mal comment rendre opérationnels les rouages démocratiques !
-          S’ajoute à cela les faibles marges de manœuvres de l’autorité palestinienne qui n’exerce qu’une souveraineté pour le moins parcellaire et fort relative sur ses territoires, Israël se permettant toute prérogative jugée utile pour sa sécurité et dans bien d’autres domaines (Permis de construire, gestion des ressources en eau, …)
-          Enfin l’occident, principal financeur des territoires palestiniens, use largement de tout un arsenal de pressions visant à infléchir les décisions des responsables palestiniens.

Aussi, si quelques manifestations ont bien lieu, elles n’appelaient non pas à la chute des dirigeants mais exhortaient à la réconciliation pour enfin pouvoir user de cette démocratie qui fut un temps opérationnelle. Cependant, "ces rassemblements prônant l’unité" semblent peu appréciés par l’autorité palestinienne qui se limite à quelques "déclarations de façade" ; et plusieurs fois à Gaza ils furent tout simplement réprimés avec violence. Enfin ces mouvements populaires semblent s’essouffler très vite aux profits des querelles maintenant enracinées entre principaux partis, du communautarisme, etc …

Et pourtant il existe en Palestine une profonde indignation, qui surpasse de loin les dissensions internes précédemment évoquées : c’est la colère induite par l’occupation israélienne.
Car, si le mécontentement palestinien est peu focalisé contre ses dirigeants, chacun est en droit de s’interroger sur les raisons qui font que ce peuple ne se soulève pas  pour réclamer : ses terres, des conditions de vie décentes, la liberté de circulation et son droit à vivre libre et  en toute souveraineté. En effet, si M. Moubarak, M. Ben Ali et consorts étaient les cibles de premier rang des contestations, les revendications populaires n’en restaient pas moins : plus de libertés, plus de pouvoir d’achat, plus de droits d’expression, la fin de la répression politique … Or c’est exactement ce à quoi le peuple de Palestine aspire au quotidien.

Signalons d’abord, car c’est capital, que ces manifestations existent, elles s’organisent toutes les semaines dans de nombreux villages (les plus connus étant : Bil’in, Ni’lin, Al Masara, … ). Elles rassemblent Palestiniens, Internationaux et une frange d’Israéliens conscients de la situation dans les territoires. Les slogans déclamés sont en partie semblables à ceux du reste du monde arabe : « Liberté, fin de la répression », mais à cela s’ajoute des revendications spécifiques à la situation comme : « la restitution des terres spoliées par le mur et les colonies », « la possibilité d’accès à leurs  champs et leurs puits », …  
Mais leur médiatisation n’est assurément pas semblable à celle des pays voisins, parce qu’elles les ont de longtemps précédées et ne font donc de facto pas parti du mouvement « des révoltes arabes ». D’autre part les populations palestiniennes sont infiniment moins nombreuses que celles des pays voisins et que les innombrables check-points parsemés dans le pays empêchent tout rassemblement de masse.
Evidemment, les dissensions politiques internes et les 60 années d’occupation ne contribuent pas à l’avènement d’importants mouvements unifiés et c’est une société civile profondément divisée qui doit faire face à cette occupation.
Il est important aussi de signaler que contrairement aux pays voisins, de telles manifestations palestiniennes restent aux yeux de l’opinion publique occidentale largement connotées négativement. Comme si leurs origines n’étaient du même ordre que dans les pays voisins, comme si la liberté appelée n’était pas sur la même échelle de légitimité.
Enfin, Israël a montré dans l’histoire tout son savoir-faire en matière de gestion de toute forme de soulèvements et une très large part des Palestiniens sont enclin au découragement et ont grande peur des sanctions qui en découleraient.

Il apparaît donc à la lecture de ces données que l’expression d’un mécontentement existe bel et bien. Cependant sa forme ne peut (de part les données de politiques internes et le surpuissant arsenal répressif israélien) prendre de semblables tournures qu’au sein des pays voisins.
Une fois de plus les Palestiniens devront trouver leur solution propre pour aller quérir leurs libertés fondamentales, leurs droits à la terre, la justice et l’égalité.

Ainsi, s’il existe bel et bien des parallèles à faire entre les manifestations des peuples arabes et celles du peuple de Palestine, la comparaison est somme toute à circonscrire.
Car, les Palestiniens exigent de leur gouvernement l’union et non la chute et les manifestations qu’ils entreprennent résonnent des cris "libertés", "fin de l’occupation" et ces aspirations, elles, ne dépendent cette fois pas de leur gouvernement.

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