1) Perspective électorale
Les prochaines élections en Israël, doivent se tenir le 10 février 2009 soit dans moins d’un mois. Or, les sondages, donnent à l’heure actuelle une probable victoire au Likoud, dont le chef de file est Benjamin Netanyahu. Ce dernier c’est notamment illustré par sa ligne politique très dure : poursuite de la colonisation après les accords d’Oslo, refus de négocier avec la Syrie le retrait du plateau du Golan, sa démission du poste de ministre des finances du gouvernement d’Ariel Sharon lors du désengagement de Gaza. C’est un partisan, d’une ligne dure. Tzipi Livni, sa rival pour les élections, actuellement à la tête du parti Kadima (parti au pouvoir), souhaite prouver qu’elle sait et saura mettre tout en œuvre pour "protéger" Israël. La démonstration de force à Gaza a donc pour objectif de démontrer aux électeurs israéliens qu’elle aussi saura être intraitable. Elle espère ainsi récupérer les voix des électeurs de droite, partisans de la fermeté et de l’absence de dialogue.
Mais le choix de la date n’est en réalité qu’une combinaison subtile d’éléments :
- Absence de leadership aux Etats-Unis
- Elections israéliennes imminentes (voir paragraphe 1)
- Absence complète d’unité palestinienne et leadership palestinien délégitimé (le mandat du président palestinien ayant expiré le 09 janvier) et désagrégé (par les divisions Fatah/Hamas)
- Enfin une période de fêtes et de congés pour les journalistes occidentaux, qui ont quitté la Bande de Gaza et qui ne peuvent plus y retourner.
Mais je pense que le véritable objectif de cette attaque est le suivant :
2) Imposer une nouvelle donne aux Palestiniens et modifier durablement la géopolitique locale.
Le réel objectif d’Israël se situe sur deux plans :
1- Instaurer une séparation durable entre de la Cisjordanie et la bande de Gaza
2- Se séparer le plus profondément possible de ce territoire encombrant et dont Israël n’espère plus rien tirer.
La Cisjordanie est très convoitée par Israël : Les 450 000 colons qui y vivent, l’interdiction aux Palestiniens d’avoir accès aux réserves en eaux, la très grande majorité de ce territoire sous autorité israélienne ne sont que quelques exemples de cet attachement. Et il se trouve qu’actuellement Mahmoud Abbas (président palestinien), n’est qu’un pantin à la solde d’Israël et des Etats-Unis. Ce dernier ne prend plus aucune décision, s’oppose pour la forme, mais n’est plus en mesure de contre-carré aucun des plans israéliens.
Pour Gaza et le Hamas, c’est totalement différent. Israël veut mater cette enclave, mais ne souhaite surtout pas l’occuper (trop coûteux et aucun bénéfice notable). Le but est donc de briser le Hamas, sans le faire tomber ; puis de se débarrasser au maximum de cette entité territoriale pesante qui doit rester hostile et détachée de la Cisjordanie. Après quoi, il est probable que L’Egypte et une présence internationale s’occupent des perfusions vitales de ce territoire par le passage de Rafah (frontière entre l’Egypte et la bande de Gaza). De cette manière Israël se dédouanerait totalement de ses obligations envers Gaza.
Cependant, il est de première importance de conserver ce petit territoire aliéné comme entité hostile (car administré par le Hamas). Ainsi, Israël disposera toujours de l’excuse capitale (pour toutes discussions lors de futurs accords de paix, ou d’exemples à médiatiser) de « L’ennemi palestinien terroriste, qui refuse de reconnaître l’existence de l’état d’Israël ».
Il faut donc briser profondément le Hamas. Pour cela Israël a tenté dans un premier temps le blocus, qui s’est révélé être inopérant. En effet, il n’a fait que renforcer le Hamas qui a su le contourner par la mise en place d’un vrai réseau clandestin vers l’Egypte. Du reste ce blocus, ne produisait pas les effets escomptés, durait trop et commençait à émouvoir (plus ou moins) la communauté internationale. L’objectif de l’opération "plomb durci" (nom de baptême de l’opération israélienne sur Gaza) est donc de briser la tête financière du Hamas : donc les tunnels ; pour que ce mouvement soit ensuite condamné à sacrifier le soutien populaire dont il jouit (par ses actions à caractères sociales et ses actions de résistance), pour se focaliser uniquement sur son maintien au pouvoir.
Après cela, Israël espère le déploiement d'une présence internationale à Rafah, qui empêcherait plus ou moins le Hamas de se réarmer et de se réapprovisionner. Ainsi, ce parti sera dans l’impossibilité durable de redorer son blason de résistant généreux. Une fois débarrassé d’une potentielle unité palestinienne et de cet encombrant territoire (Gaza), Israël pourra alors se concentrer sur l’annexion intelligente de la Cisjordanie. Qui sera d’autant plus facile, que le Hamas durablement affaibli ne pourra plus critiquer Mahmoud Abbas dont le mandat est officiellement expiré.
Dans un même temps, il est probable qu’Israël espère convaincre le Hamas, privé alors de son auréole populaire, que ses intérêts sont mieux servis par la coopération avec Israël. Ce qui économiquement parlant a beaucoup d’intérêt pour Israël qui prélève des taxes sur tous les produits étrangers importés à Gaza (imaginez le marché de la reconstruction), sans compter tout les matériaux qui seront directement achetés en Israël. Tel-Aviv gère également l’exemption de droits de douane pour les dons de vivres, matériels et médicaments et n’hésite pas à faire payer aux organisations humanitaires les mêmes taxes qu’à un importateur commercial. Donc un contrôle intelligent de la réouverture des points de passage vers Israël aux fins d’un transit calculé est loin d’être dépourvu d’intérêts.
Division durable de la Palestine en deux entités aux administrations différentes / Absence totale d’obligations d’Israël envers un territoire jugé hostile et sans intérêt / Présence constante d’un ennemi menotté pour l’exemple / intérêts économiques … C’est cela l’opération "plomb durci"
Enfin il existe de nombreux autres sous arguments qui ne sont pas négligeables mais ne sont certes pas le nerf de la guerre. Ainsi on trouve :
3) Le besoin de Tsahal (armée israélienne) de redorer son blason après sa défaite face au Hezbollah en 2006 et ce dans le but de rétablir son complet pouvoir de dissuasion.
4) Le rappel incessant que c’est à la suite du retrait des colons et de l’armée de Gaza [août 2005] que des roquettes ont commencé à tomber sur Israël. En découle le raisonnement simpliste suivant : « Si Israël se retire de la Cisjordanie bientôt ces mêmes roquettes s’abattront sur Jérusalem, … »
5) Mettre fin à la fuite de capitaux (en shekels, monnaie israélienne) non contrôlé vers l’Egypte.
6) Exacerber le sentiment patriotique par la mobilisation de milliers de réservistes. Ainsi chaque famille à un ami, un fils, .. au front est parti prenante de ce conflit.
7) Raviver la grande peur israélienne : de toutes ces nations arabes alentours dont les peuples descendent dans les rues pour crier leur hostilité aux actions "défensives" israéliennes. Et je passe sur l’instrumentalisation à des fins propagandistes des discours des extrémistes qui manifestent leur haine d’Israël. Ces mêmes discours qui vont alimenter la victimisation perpétuelle de l’état d’Israël.
C’est donc pour satisfaire ces ambitions ci qu’Israël entreprend depuis 19 jours bombarder civils et combattants.
C’est pour satisfaire ces ambitions ci qu’Israël a tué plus de 1000 personnes à l’heure qu’il est et blessé plus de 4700 personnes.
C’est pour satisfaire ces ambitions ci qu’Israël peut contempler les corps de 315 enfants et 100 femmes.
Et ce n’est nullement pour empêcher les tirs de roquettes depuis Gaza qui ont fait moins de 20 morts en 10 ans.
Je vous laisse sur cette conclusion :
- Palestine : 1000 morts en 19 jours
- Israël : Moins de 20 morts en 10 ans
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