Veuillez, s’il vous plait messieurs les signataires (M. Bertrand Delanoë, M. Alain Finkielkraut, M. Patrick Klugman, M. François Hollande, M. Bernard-Henri Lévy, ...) accorder quelques secondes à mon pamphlet en réponse à un article frisant la démagogie.
Alors oui, je vacille en considérant votre approche si outrageusement peu nuancée, n’est-on pas en mesure d’attendre propos plus réfléchis de philosophes et intellectuels ?
Je ne citerai que certaines parties afin de mieux mettre en exergue leurs petitesses, mais l’intégralité de l’article permettant de contextualiser chaque phrase est disponible sous le titre : "Le boycott d’Israël est une arme indigne"
Dixit : « Au vu de leur charte, tout ce qui est israélien serait coupable, […].» … Je m’interroge en prenant appuie sur le boycott généralisé de l’Afrique du Sud du temps de l’apartheid : tout ce qui a été Sud-Africain l’était-il : coupable ? Est-ce donc parce que nos états-nations ont boycotté l’économie sud-africaine qu’ils stigmatisaient Mandela ? … Je ne le crois point et vous non plus d’ailleurs !!
[Lien : La lutte contre l'apartheid en Afrique du Sud – Article publié dans la revue Alternatives Non Violentes - Extrait : « Pour venir à bout d'un des système politique les plus odieux que le monde ait connu, deux facteurs se sont puissamment conjugués. Il s'agit d'une part de l'action de masse menée à l'intérieur, toujours plus déterminée malgré une répression féroce et sanglante. D'autre part il y a eu les boycotts économiques, sportifs et culturels développés à l'extérieur par les Organisations Non Gouvernementales et par l'Organisation des Nations Unies »]
Et plus démagogique est encore la fin de la phrase : « […] ce qui donne l'impression que c'est le mot même d'Israël que l'on souhaite, en fait, rayer des esprits et des cartes » … rayer le mot Israël de la carte ! La fameuse réplique, le torchon rouge agité à répétition, susciter la peur pour rallier à sa cause, ce stratagème vieux (et somme toute plutôt vil) comme le monde. Vous placez ainsi (ou en donnez l’impression pour user des mêmes jeux de langue) dans cette réplique, les boycotteurs sur le même plan que les groupes extrémistes niant Israël et son existence … Philosophes (signataires) n’êtes-vous pas ceux qui enseignez la nuance !!!
Mais poursuivons : « L'illégalité de la démarche ne fait pas de doute et la justice française ne tardera pas à la confirmer. Mais la justice sera bien en peine de sanctionner ce qui est essentiel dans cette affaire. » En effet, je me permets de recontextualiser ce qui EST ESSENTIEL dans cette affaire : c’est que des produits issus des colonies israéliennes de peuplement inondent les marchés européens en toute illégalité ; car L’Union-européenne et la France sont signataires de nombreux traités rendant l’importation de ces produits illégale ! Ainsi :
- Le droit international interdit l’exploitation économique de territoires occupés.
- L’Union-Européenne et Israël prévoient une clause de suspension de leur accord d’association en cas de non-respect des droits-humain. (Cela va ainsi au delà des simples produits issus de la colonisation)
- Enfin Israël refuse de répondre aux exigences de traçabilité de l’Union européenne en indiquant « Made in Israël ».
Ainsi, dans la mesure où nos états rechignent à appliquer ces traités, le consommateur souverain peut lui palier à ces manquements.
[plus d’informations sur ce blog : Des procès à l'encontre de citoyens appelant au boycott des produits israéliens ]
Continuons : « nous sommes convaincus que les boycotteurs se trompent de combat en prenant le parti de la censure plutôt que celui de la paix, celui de la séparation plutôt que celui de la possible et nécessaire coexistence - celui, en un mot, de la haine et non de la parole et de la vie partagées. ». La mesquinerie d’associer un acte citoyen dans ses choix de consommation et donc de facto dans ses choix de "non-consommation" au mot "haine", n’est même plus digne d’un bon discours de propagande, tant il est simpliste.
« Et rien ne saurait autoriser que l'on applique à la démocratie israélienne un type de traitement qui n'est réservé aujourd'hui à aucune autre nation au monde, fût-elle une abominable dictature. ». Messieurs, voilà un extrait des conséquences de l’embargo sur l’Irak (alors certes ce n’est pas un boycott, c’est encore plus abject, surtout quand on sait combien cela peut être efficace par rapport à l’impact minime d’un boycott de denrées israéliennes) Extrait de : Le peuple irakien première victime de l’ordre américain: « Souffrant d’un déficit calorique de plus de 50%, estime l’UNICEF, quelque 3,6 millions de personnes (sur une population de 18 millions) sont menacées de graves problèmes de santé. On compte parmi elles 2,25 millions d’enfants âgés de moins de 5 ans, des femmes enceintes ou qui allaitent. L’organisation de l’ONU prévoit une hausse du taux de mortalité (qui aurait déjà doublé en trois ans) et des séquelles durables chez les enfants, qui subiront une baisse notable de leurs capacités intellectuelles. »
Je répète donc vos propos riches de nuances de d’enseignement de l’histoire : « qui n'est réservé aujourd'hui à aucune autre nation au monde, fût-elle une abominable dictature. ».
Alors certes, cet exemple appartient au passé : Peut-on alors évoquer l’embargo sur l’Iran, la Corée du Nord, … Des états voyous répondrez-vous ?… des populations civiles terroristes me permettrai- je de rajouter ?
Constatez aussi combien votre approche est manichéenne : « la globalité du rejet et sa bêtise ». Qui parle de globalité, si ce n’est vous ? Toute personne jusqu’alors est seule maîtresse de ses choix et peut, forte de ses pouvoirs décisionnels et CES DROITS, les nuancer comme bon lui semble. Il n’y a dans le boycott que des propositions que chacun appliquera ou point selon les convictions qui lui sont propres.
Enfin ces messieurs qui se font les chantres du dialogue : « Nous pensons que notre rôle est de proposer un chemin de dialogue. ». Ont-ils pu mesurer combien notre souplesse (celle de nos états) a porté ses fruits ? Citez-moi s’il vous plait quelques améliorations dans le quotidien palestinien depuis 60 ans : Plus de colonies, un mur annexant puits et terres fertiles, une vallée du Jourdain confisquée, Jérusalem ceinturée de colonies et catégoriquement hors négociations, des milliers de prisonniers non jugés, l’absence de droit sur l’eau, … Alors quels sont les fruits du CE dialogue prôné? Il n’est en effet pas inenvisageable de poursuivre de la sorte, mais pourquoi vous semblerait-il inenvisageable de revoir nos approches ?
Car effectivement, je pense que c’est par l’unique usage du DIALOGUE que des solutions seront envisagées, mais puisque toute négociation est, avant tout, sous-tendue par un rapport de force, si notre interlocuteur sait pertinemment que l’on cèdera toujours (rapport Goldstone dénigré, résolutions de l’ONU bafouées, illégalité de la construction de mur prononcée par la cour internationale de justice, …), il prendra notre rhétorique pour ce qu’elle est : une douce brise et alors rien ne l’encouragera à opérer quelques virages.
1 commentaire:
Pour prolonger la reflexion consulter l'article d'Alain Gresh (le Monde Diplomatique):
http://blog.mondediplo.net/2010-11-02-Boycott-d-Israel-un-appel-indigne
Enregistrer un commentaire